« On ne peut
pas encore aujourd’hui parler d’une philosophie politique
chez Njoh-Mouelle, au sens où on entendrait par cette expression
un ensemble de principes et de notions systématisés sur
le thème de la politique. Bergsonien depuis sa jeunesse universitaire,
Njoh-Mouelle retient de Henri Bergson que la recherche philosophique,
comme la recherche scientifique admet la complémentarité et
la continuité entre des penseurs divers, malgré le trésor
d’originalité que peut contenir chaque approche enracinée
dans une « intuition originelle ».A cet égard, ses
points de vue, ses attitudes dans le domaine politique paraissent clairement
s’inspirer d’une double tradition : celle de Platon et celle
de Karl Marx. Sur le rôle politique du philosophe, Njoh-Mouelle,
si l’on peut ainsi dire, platonise et marxise. Les multiples allusions à la
dialectique descendante, à la lettre VII ou à la 11è thèse
sur Feuerbach en font pertinemment foi…
…On peut remarquer que ce qui préoccupe au plus haut
point Njoh-Mouelle, ce n’est pas tellement une philosophie politique.
Celle-ci est un art, l’art de gérer la cité. Ce
qui préoccupe donc cet auteur, c’est la politique du philosophe.
Cela dit, il ne manque pas dans son corpus des arguments théoriques épars
qui justifient et laissent même prévoir son engagement
en politique. Nous l’avons déjà souligné dans
sa conception du philosophe et l’indication de son rôle
social. Un rôle social à jouer, des efforts, des essais,
des propositions à faire ; et voici ce qui est admirable dans
la conception de Njoh-Mouelle : il ne pense pas que le philosophe soit
un magicien qui assurerait le succès à tout système
politique dans lequel il s’engage. Le philosophe n’est
pas seul, il y a bien d’autres personnes qui ciblent d’autres
objectifs. Il est donc à la fois humble et pertinent que Njoh-Mouelle
fasse observer « q’il n’ y a pas de politique infaillible,
ni de détenteur infaillible de la vérité et du
sens. Il n’ y a de pape ni en philosophie, ni en politique ».C’est
sur ce point qu’il se démarque d’un Platon qui surestime
les capacités du philosophe en politique, oubliant que les choses
ne lui seront jamais entièrement abandonnées, et qu’il
n’y sera jamais aussi libre qu’il l’est dans le monde
des idées. »
Emile Kenmogne, p. 20-21 puis 21-22
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