A
PROPOS DES BALAFONS DANS L'EGLISE
"
Vous conviendrez avec moi que tous les rythmes, toutes les musiques ne
sont pas appropriés à la méditation. Essayez de méditer
en écoutant un disque de musique de " jerk " ou de Nico
Mbarga. Ce sont des rythmes africains. Je dis qu'ils ne sont pas appropriés à la
méditation. Or, que danse-t-on à la messe de Melen ? Que
chante-t-on à cette même messe ? Ce sont des rythmes et des
danses qui ne présentent aucune différence avec ce qu'on
peut trouver dans des manifestations d'une nature non religieuse ( pour
ne pas dire profane). Rythmes trépidants de la vie quotidienne,
rythmes d'enracinement à la quotidienneté, rythmes dont la
pesanteur de symbolisme et de significations nous maintiennent ancrés à la
terre. Je dis que ces rythmes et ces danses ne favorisent pas une élévation,
une concentration qui permette de rencontrer l'Absolu, Dieu. Et qu'on ne
me parle pas des transes. La transe est un phénomène précisément
physique. Je prétends donc que l'africanisation de la liturgie,
non seulement n'équivaut pas à un mouvement de la théologie
proprement dite, car nous savons sur quelles questions fondamentales la
théologie doit se pencher, mais encore elle ne favorise pas l'élévation
et la rencontre avec Dieu dans son temple.
Ici, l'africain a voulu africaniser en faisant valoir son amour de la
fête. Mais s'il est vrai, comme l'écrit le Prieur de Taizé,
Roger Schutz, que " le Christ ressuscité fait de la vie de
l'homme une fête continuelle ", il n'est pas moins vrai comme
l'écrit cette fois-ci le pasteur Burki dans son livre intitulé " l'Assemblée
dominicale " qu' " on peut s'inspirer des rites du mariage
et de l'atmosphère d'une fête de mariage pour le culte eucharistique,
mais il est autre chose de célébrer la venue de Jésus
Christ que de fêter le couple humain ". L'honneur que nous
rendons à Dieu est différent de celui qu' " on témoigne à la
dépouille mortelle, même du plus grand chef. Il n' y a pas
de fête liturgique sans la transformation profonde des hommes et
des choses ".
Jalons III (Problèmes Culturels )
Editions CLE, Yaoundé 1986
Page 79-80
SUR LA MENTALITE MAGIQUE
Le rationnel côtoie l’irrationnel tous les jours chez la plupart des gens, tant en Afrique qu’ailleurs dans le monde. Considérons par exemple les jeux de hasard sur lesquels j’ai déjà dit un mot. Vous savez qu’ils reposent sur le facteur chance. Tout le monde parle de la chance et de la malchance. Qu’est-ce que la chance rationnellement parlant ? Ne serait-ce qu’une bienveillance inexpliquée ? Une bienveillance de qui et au profit de qui ? Certainement pas d’un homme pour un autre homme. Ce serait clair, visible, objectif, rationnel. Mais c’est la bienveillance d’une force personnifiée et inconnue, une providence, bref un être dont l’homme ne détient pas la clef de son identité précise. Et quand c’est la malchance on fait le raisonnement inverse en mettant à la place de la bienveillance la malveillance. Le mauvais œil du sorcier est de la malveillance identifiée et repérée. Tous ceux qui s’adonnent aux jeux de hasard laissent une place à un brin d’irrationnel dans leur esprit. Ce que vous appelez mentalité magique vis-à-vis de l’argent concerne peut-être le fait pour certains de croire que des sorciers ou autres magiciens peuvent multiplier des billets de banque à l’infini ? A la manière de la multiplication des pains et du vin par Jésus aux noces de Cana ? Les miracles de Jésus relèvent de cet irrationnel dont vous parlez. Et il faut se mettre à la place des chrétiens qui sont disséminés sous tous les cieux ; ils se souviennent par ailleurs que Jésus a dit à ses disciples que quiconque a suffisamment foi en lui peut reproduire les mêmes performances miraculeuses. Comment faire par conséquent pour éviter la tentation de chercher la richesse par les mêmes voies ? Beaucoup oublieront très vite que les miracles de Jésus ne profitaient qu’aux autres. Ils vont se livrer à des pratiques de messes noires à orientation essentiellement égoïstes et sataniques. Tout cela pour devenir riches et obtenir de nombreux autres succès personnels. Et je puis vous dire que ces pratiques sont observées partout, notamment dans les pays dits développés.
Extrait de l’interview donnée le 24 Octobre au Quotidien Mutations, Yaoundé 2003.
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