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Extraits de quelques oeuvres

Considérations actuelles sur l’Afrique

 Discours idéologico-révolutionnaires et philosophie
 Sur la philosophie africaine
 A propos de l’intellectuel
 Les intellectuels ne constituent pas une classe sociale
 Au nom de la liberté
 Réponses sur l’ethnophilosophie

 

 

DISCOURS IDEOLOGICO-REVOLUTIONNAIRES ET PHILOSOPHIE p.20-21

Je trouve tout à fait normal que bien des collègues soient portés à ne trouver d'intérêt que dans des textes et écrits à caractère politique , économique et pourquoi pas, idéologique. Mais Platon lui-même n'a-t-il pas philosophé en pleine situation de crise politique et de crise morale ? Cela a-t-il empêché le philosophe d'écrire, à côté de " La République " et des " Lois ", ses autres ouvrages fondamentaux que sont le Banquet, Phèdre, Le Timée,etc,etc ?C'est la seule question que je poserais à ceux qui ont tendance à transformer toute la philosophie en discours économique seulement.

Ce n'est pas tout. Le discours économico-politique peut être philosophique ; or souvent, les discours d'hommes d'action, les programmes des partis politiques se situent en aval du souci philosophique qui ne peut être que le souci du principe, du fondamental, de cela même sur quoi doit s'adosser l'action. Souvenez-vous de la distinction que Kant établit entre " principes pratiques " et " maximes " ou encore entre les mêmes " principes pratiques " et les " règles pratiques ".J'ai parfois l'impression que la prédilection de beaucoup d'entre nous, nous porte à nous situer et à situer nos réflexions au niveau des " règles pratiques " voire même des " maximes " ; or cela c'est trahir la philosophie.

Je reste convaincu que la vraie philosophie ne peut chercher qu'une vérité universelle sur laquelle faire s'adosser l'action des hommes. Beaucoup interprètent la formule hégelienne selon laquelle la philosophie est fille de son temps comme une invitation à régionaliser la pensée, le rationnel, un encouragement à se mettre les œillères./.

Considérations sur l'Afrique
Editions CLE Yaoundé 1983, p. 20-21

 

 

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SUR LA PHILOSOPHIE AFRICAINE : pp. 24-26

Dans le cadre du mouvement général d'auto-affirmation dans lequel l'Afrique Noire est engagée depuis les luttes de revendication des indépendances nationales, une tendance très nette ( qu'on trouve dans tous les domaines) s'est affirmée progressivement, qui visait à chercher la voie africaine originale en toutes choses. Quand j'entends les hommes d'église parler d'indigénisation ou d'africanisation du christianisme je perçois la manifestation de cette tendance. Il faut se féliciter de n'être pas allé jusqu'à vouloir une mathématique ou une chimie africaine !

Vous pouvez déjà deviner la réponse que je m'apprête à donner à votre question. En philosophie, comme en matière de christianisme, certains ont pensé et pensent qu'il faut africaniser ; il faut prouver que l'Afrique a sa philosophie et on va même parfois jusqu'à dire l'Afrique n'a rien à voir avec toutes ces philosophies occidentales. C'est à partir de ce moment qu'il se passe quelque chose d'ahurissant : tout devient philosophie, à savoir les descriptions des mœurs et coutumes, les contes et les fables, les légendes et les épopées, la littérature (orale comme écrite d'ailleurs ).

Mon opinion sur la question est nette et claire : la philosophie n'est pas tout cela ! La philosophie n'est pas l'ethnologie. Elle n'est pas un catalogue de mœurs et coutumes, un inventaire des valeurs ; la philosophie ce n'est quand même pas la comptabilisation d'une culture ! Je crois que bien des Africains qui parlent de philosophie africaine ne distinguent pas entre philosophie et pensée. Personne ne peut nier qu'il y ait de la pensée dans un conte, une fable, un proverbe, que sais-je encore ? Mais de là à dire que la philosophie africaine c'est le récit du passé des coutumes, je dis qu'il y a une grave erreur. Car l'Afrique n'est pas seule à présenter au monde ces contes, proverbes, mythologies, épopées, etc,etc. La différence est que dans les pays de l'Occident considérés globalement, à côté de tout ce savoir et de cette tradition, il y a eu la philosophie en tant que discipline intellectuelle particulière, en tant que formation culturelle comportant une méthode propre. Ceux qui, en Afrique, parlent de la philosophie comme si elle était de l'ethnologie oublient que l'ethnologie elle-même ne s'épanouit pas exclusivement en terre africaine.

Si vous voulez donc, je ne suis pas partisan de transformer la nature profonde de la philosophie pour les besoins passagers et contingents de " vouloir-faire-africain ", du vouloir donner une coloration africaine à tout ce que nous faisons aujourd'hui.

L'esprit de l'ethnophilosophie est tel qu'il s'éloigne un peu de la rigueur scientifique. On part du principe qu'il faut justifier le passé et la tradition et on justifie le passé et la tradition ; on embellit tout, on n'aime pas la critique. Or ce qui de tout temps caractérise la véritable philosophie c'est son caractère essentiellement réflexif et critique. La philosophie ce n'est pas un contenu idéologique qu'il s'agit d'apprendre ou de faire apprendre. La philosophie c'est l'interrogation permanente ; le questionnement permanent. Ici, la tradition qui part de Socrate en passant par Kant est celle que je considère comme la véritable tradition philosophique que l'Afrique philosophique que nous représentons aujourd'hui ne devrait avoir aucun scrupule à admettre./.

Considérations actuelles sur l'Afrique
Editions CLE , Yaoundé, 1983
pp.24-26

 

 

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A PROPOS DE L'INTELLECTUEL (1) p. 60-61

L'intellectuel, ce n'est pas nécessairement le diplômé des universités. Dans nos pays africains une regrettable tendance à la confusion a souvent entraîné à penser que le simple fait d'être allé à l'université confère le statut d'intellectuel. Pendant la colonisation, le bureaucrate trouvait une raison de se vanter dans le fait qu'il exécutait des tâches qui exigeaient des connaissances livresques. Il n'était pas le casseur de pierres, le " cantonnier " ; il n'était pas le travailleur manuel ; il se disait intellectuel. Si on y regarde bien on trouvera que la distinction entre travailleur manuel et travailleur intellectuel a continué à dominer la vision des choses chez la plupart des gens de chez nous pour qui tous les fonctionnaires et autres commis de l'administration sont des intellectuels.

Qu'est-ce donc qu'un intellectuel aujourd'hui ?

Si je dois formuler la définition que vous me demandez de l'intellectuel de façon concise, je dirais que l'intellectuel est cet homme ou cette femme qui prend parti tous les jours dans les affaires de la cité et du monde, au nom d'une responsabilité qu'il s'attribue d'éclairer l'action de ses concitoyens des lumières de son savoir et de sa conscience. Par conséquent, ce n'est point de sa compétence spécifique ( enseignant, artiste, médecin, ingénieur, juriste,etc,etc) qu'il tire sa vertu. Ainsi, lorsque Jean-Paul Sartre, par exemple, au Tribunal Bertrand Russel, analyse les responsabilités dans la guerre du Vietnam ou lorsqu'il se fait le défenseur de la liberté de la presse, vous savez très bien que ce n'est point en fonction des développements savants de l'Etre et le Néant. Mais Jean-Paul Sartre avait bien besoin de sa compétence spécifique de philosophe pour conquérir un espace social susceptible de lui faire entendre sa voix. De façon plus précise encore je dirais que la haute qualification de l'intellectuel apparaît plutôt comme un garant. L'espace social qu'il conquiert grâce à sa haute qualification lui permet de se hisser à un autre niveau lorsqu'il doit prendre position dans les affaires du monde et de la cité, le niveau de l'intellect précisément. Là où on ne distingue plus le philosophe du médecin, l'ingénieur de l'économiste. L'intellectuel est donc davantage que le spécialiste de telle ou telle science ; il est celui qui s'estime dépositaire d'un pouvoir de juger reposant peut-être bien plus sur une volonté de prendre parti que sur un savoir ou sur une compétence particulière./.

 

 

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LES INTELLECTUELS UNE CLASSE SOCIALE ? p.68-70

On peut parler de la catégorie des fonctionnaires mais je ne pense pas qu'il soit juste de parler d'une classe des intellectuels, ni même des élites.Car, pour qu'il y ait classe sociale, il faut identifier une conscience de classe. Croyez-vous que les élites africaines se comportent de telle sorte qu'on puisse dire qu'elles constituent une classe, avec ce que cela suppose d'homogénéité d'intérêts à défendre ?Vous savez que le concept de classe sociale tel que Marx l'a défini se détermine par rapport à l'organisation du travail et de la production. Dans nos pays où le plus gros employeur a longtemps été l'Etat à travers sa fonction publique peut-on dire qu'en face de l'Etat-patron on ait affaire à une classe de fonctionnaires ? Je parle de fonctionnaires, vous l'avez remarqué, parce que les intellectuels dont vous parlez se retrouvent nombreux dans les rangs de la fonction publique. Nous nous sommes déjà entendu sur la définition de l'intellectuel. Il y a en réalité des élites technocrates ( divers ingénieurs, médecins, vétérinaires, experts-comptables, administrateurs civils, etc,etc.) qui, lorsqu'elles sont employées par l'Etat, se considèrent d'abord et avant tout comme des fonctionnaires et non comme des hommes d'affaires, ni même comme des intellectuels, professionnellement parlant. Personne d'entre ces gens ne pourra répondre à la question de dire quelle est sa profession en déclarant ou écrivant : intellectuel. Sous le rapport donc de leur participation au circuit de production, à la division du travail, ils ont conscience d'être d'abord ce que leur compétence technique leur permet d'affirmer et non nécessairement des intellectuels.

Or au sein de la catégorie des fonctionnaires, il y a lieu de distinguer encore entre petits, moyens, hauts et très hauts fonctionnaires. Ceux que vous considérez comme des intellectuels dans le contexte africain se retrouvent à peu près partout dans la hiérarchie des fonctionnaires. Certains sont de très hauts fonctionnaires tandis que d'autres sont des fonctionnaires de catégorie moyenne. Pour moi, les véritables intellectuels ne s'affirment pas simplement comme fonctionnaires (vétérinaires, médecins, professeurs, etc,etc.) mais comme des citoyens que leur constant souci des affaires de la cité conduit régulièrement à faire connaître leur point de vue sur diverses questions relatives à la vie de la cité./.

Considérations actuelles sur l'Afrique
Editions CLE Yaoundé, 1983, pp.68-70

 

 

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AU NOM DE LA LIBERTE ( P.117 )

" Lorsque la liberté emprunte la bouche de la couleur, lorsque la liberté emprunte la bouche des régions géographiques, nous sommes à peu près sûrs qu'elle va commettre des massacres ".

Considérations actuelles sur l'Afrique
Editions CLE Yaoundé, 1983, p.117

 

 

 

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Réponses sur l’ethnophilosophie

Dans le cadre du mouvement général d’auto-affirmation dans lequel l’Afrique noire est engagée depuis les luttes de revendication des indépendances nationales, une tendance très nette (qu’on trouve dans tous les domaines) s’est affirmée progressivement, qui visait à chercher la voie africaine originale en toutes choses. Quand j’entends des hommes d’église parler d’indigénisation ou d’africanisation du christianisme je perçois la manifestation de cette tendance. Il faut se féliciter de n’être pas allé jusqu’à vouloir une mathématique ou une chimie africaine !

         Vous pouvez déjà deviner la réponse que je m’apprête à donner à votre question. En philosophie comme en matière de christianisme, certains ont pensé et pensent qu’il faut africaniser ; il faut prouver que l’Afrique a sa philosophie et on va même parfois jusqu’à dire que l’Afrique n’a rien à voir avec toutes ces philosophies occidentales. C’est à partir de ce moment qu’il se passe quelque chose d’ahurissant : tout devient philosophie, à savoir les descriptions des mœurs et coutumes, les contes et les fables, les légendes et épopées, la littérature (orale comme écrite d’ailleurs).

         Mon opinion sur la question est nette et claire : la philosophie n’est pas tout cela ! La philosophie n’est pas l’ethnologie. Elle n’est pas un catalogue de mœurs et coutumes, un inventaire des valeurs ; la philosophie ce n’est quand même pas la comptabilisation d’une culture ! Je crois que bien des Africains qui parlent de philosophie africaine ne distinguent pas entre philosophie et pensée. Personne ne peut nier qu’il y ait de la pensée dans un conte, une fable, un proverbe, que sais-je encore ? Mais de là à dire que la philosophie africaine c’est le récit du passé des coutumes, je dis qu’il y a une grave erreur. Car l’Afrique n’est pas seule à présenter au monde ces contes, proverbes, mythologies, épopées, etc.La différence est que dans les pays de l’Occident considérés globalement, à côté de tout ce savoir et de cette tradition, il y a eu la philosophie en tant que discipline intellectuelle particulière, en tant que formation culturelle comportant une méthode propre. Ceux qui, en Afrique, parlent de la philosophie comme si elle était de l’ethnologie oublient que l’ethnologie elle-même ne s’épanouit pas exclusivement en terre africaine.

         Si vous voulez donc, je ne suis pas partisan de transformer la nature profonde de la philosophie pour les besoins passagers et contingents du « vouloir-faire-africain », du vouloir donner une coloration africaine à tout ce que nous faisons aujourd’hui.

         L’esprit de l’ethnophilosophie est tel qu’il s’éloigne un peu de la rigueur scientifique. On part du principe qu’il faut justifier le passé et la tradition et on justifie le passé et la tradition ; on embellit tout ; on n’aime pas la critique. Or ce qui de tout temps caractérise la véritable philosophie c’est son caractère essentiellement réflexif et critique. La philosophie, ce n’est pas un contenu idéologique qu’il s’agit  d’apprendre ou de faire apprendre. La philosophie, c’est l’interrogation permanente ; le questionnement permanent. Ici, la tradition qui part de Socrate en passant par Kant est celle que je considère comme la véritable tradition philosophique que l’Afrique philosophique que nous représentons aujourd’hui ne devrait avoir aucun scrupule à admettre.

Tous ceux qui ont eu tendance à assimiler philosophie et anthropologie sont fatalement portés à présenter la philosophie comme quelque chose qu’on puisse apprendre, à la réduire à des contenus plus ou moins doctrinaires qui se donnent comme à prendre ou à laisser. La chose peut être grave du côté de l’enseignement où l’esprit de l’ethnophilosophie ne serait préoccupé que par la transmission des contenus prétendument philosophiques au détriment de la réflexion critique elle-même.

Je veux bien qu’on enseigne des visions de monde mais qu’on ne les appelle pas philosophie.

Peu importe le mot d’ethnophilosophie : car, comme je l’ai déjà dit, il n’ y a pas que l’ethnologie qui soit concernée dans la substitution ; il y a aussi la littérature. Si toute la philosophie de Jean-Paul Sartre devait être cherchée uniquement à travers son œuvre romanesque, vous voyez ce que nous aurions perdu. Heureusement qu’à côté des Chemins de la Liberté, des Séquestrés d’Altona, de Huis-Clos, etc il y a eu l’Etre et le néant, l’Esquisse d’une théorie des émotions, l’Imaginaire, l’Imagination, La Critique de la Raison dialectique, etc.

Considérations Actuelles sur l’Afrique
Ed. CLE  Yaoundé 1983, pp. 24-27
On pourrait aussi lire les pages suivantes sur la même question (pp.27-34)

 

 

 

 

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