Extraits de quelques oeuvres

Développer la richesse humaine

DEVELOPPEMENT ET NIVEAUX D'ASPIRATION : p.55-56

La vision de notre développement, dans l'optique de l'homme individuel comme dans celle de la société globale, est souvent faussée par une abusive réduction à sa dimension économique et matérielle. Tout le monde, en pays sous-développé, se plaint de manquer de moyens financiers et matériels pour faire ceci ou cela. Et quand on vante les succès de tel ou tel autre ( individu ou nation), c'est souvent qu'on s'entend répliquer : oui , mais eux…ils ont des moyens !Or le fait est qu'il ne suffit pas de disposer de ces moyens matériels pour assurer ipso facto le développement attendu. En effet, donnez les mêmes moyens, strictement, à deux individus responsables pour qu'ils réalisent un même programme. Les résultats de l'un seront peut-être conformes à votre attente tandis que ceux du second ne justifieront pas l'importance des crédits alloués. Ecartez l'hypothèse d'un détournement de fonds : point n'est besoin ! Tout simplement, la vision du développement et le niveau d'aspiration de l'un auront été si limités que malgré la mise à sa disposition d'importants moyens matériels, il n'aura réussi qu'à fabriquer du médiocre là où son homologue aura accompli une œuvre éblouissante de beauté, d'envergure et de rigueur. Autrement dit, ne demandez pas à un homme qui, quoique riche, n'a jamais éprouvé la nécessité de faire brosser ses chaussures tous les matins ou de faire nettoyer les toiles d'araignées qui encombrent les encoignures de sa maison, de s'occuper de la propreté de votre village ! Ses chaussures vous paraissent poussiéreuses ? A ses propres yeux elles sont étincelantes d'éclat ! Vous pensez le mettre en compétition avec le chef du village voisin ? Rien n'y fera. C'est un aveugle à sa manière. Il ne pourra développer que la sphère de son avoir et vivra dans l'illusion de se développer véritablement. Pour lui, qu'est-ce que le développement de l'être ?Une lueur vacillante qui laisse dans ses limbes un esprit encore enténébré. Confiez à présent à un homme ambitieux et toujours soucieux de sa bonne présentation, un homme " qui voit grand ", le soin de faire la propreté de votre village. Il traitera le village comme il aurait traité son habitation personnelle. Il en concevra des projets grandioses, à la dimension de son ambition. On le présentera peut-être comme un visionnaire, on dira même de lui qu'il est un fou ! Précisément, c'est le genre d'hommes qui, de tout temps, auront permis à l'humanité de progresser vers le meilleur.

La différence entre ces deux types d'hommes est que l'un est un médiocre incapable de promouvoir son propre progrès et, a fortiori, celui des autres ; tandis que le second est un créateur dont la large vision des choses ne peut que favoriser le développement, l'élévation ou, si l'on préfère, l'évolution des autres et de lui-même ./.

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LES EGOISMES DES NATIONS : P.66-67

Nous pensons que le développement manque son but lorsqu'il ne peut rien contre l'exacerbation des égoïsmes de toutes sortes, individuels et de groupe. A l'échelle des nations il n'est que trop facile de constater la virulence et la prédominance des intérêts des nations riches qui n'entendent nullement céder quoi que ce soit de leur avoir par simple générosité, malgré l'impropriété des termes souvent utilisés par elles, tel celui de l'aide aux pays en voie de développement. Il n' y a pas d'aide aux pays pauvres, qui provienne des pays riches. Il n' y a que des placements d'actions devant produire des intérêts à brève échéance. Il n' y a pas que les nations riches qui soient aveuglés par leurs intérêts mercantiles. Les nations pauvres entre elles ne se font pas non plus de cadeaux. On se dispute des frontières parce qu'on convoite un gisement de ceci ou de cela. Les pays côtiers, qu'ils soient riches ou pauvres, n'entendent pas céder leur côte à l'exploitation par des pays enclavés ou sans façade sur la mer. Et nous pouvons multiplier à l'infini les raisons d'opposition ou de conflits entre les nations qui toutes, manifestent une grande insuffisance de détachement à l'égard de ce qu'ils considèrent aveuglément comme leur essence même, à savoir leur corps physique avec ce qu'il comporte d'intérêts en direction de l'avoir.

Développer la richesse humaine
Editions CLE, Yaoundé 1975
p.66-67

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'POURQUOI VEUT-ON LE POUVOIR ? P. 67

Pourquoi veut-on le pouvoir ? devant cette question pays développés et " pays en voie de développement " sont absolument égaux. Ici et là, la conquête du pouvoir est déterminée par la volonté d'assurer et de garantir la satisfaction des intérêts d'un groupe déterminé. 1960 avait laissé espérer, dans l'euphorie des libertés retrouvées, que les intérêts nouveaux à défendre allaient être ceux de tous les peuples qui venaient de connaître la servitude et l'exploitation coloniales. Comme on pouvait le prévoir, la faillite du discours unificateur anticolonial ne tarda pas à se produire. Plusieurs discours correspondant à divers intérêts ( nationaux, néocolonialistes et tribaux) ne tardèrent pas à se faire entendre. De sorte qu'aujourd'hui, à la préoccupation du développement national se superposent et se bousculent les préoccupations parallèles et concurrentes des développements régionaux et tribaux. Nous sommes donc embarqués dans une voie qui ne peut mener qu'à l'exacerbation des intérêts et égoïsmes des groupes. S'il y a par conséquent développement ici, c'est celui des compétitions malsaines et des flatulences des " égos ".

Développer la richesse humaine
Editions CLE Yaoundé 1975
p.67

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